Le contexte :
Srebrenica est une petite ville du nord-est de la Bosnie-Herzégovine, habitée à 75& par les Bosniaques. Après avoir été occupée durant un mois par les forces serbes lors de l’offensive générale lancée le 6 avril 1992 par Milosevic contre la République de Bosnie-Herzégovine des résistants bosniaques ont chassé l’occupant en mai 1992 et ont résisté jusqu’en juillet 1995.
Dans cette région, la ville de Zepa au sud a également résisté, ainsi que les villages de Cerska-Konjevic Polje- Pobudje au nord. Mais en mars 1993, face à une puissante offensive des forces serbes, les habitants de ces villages ont du se réfugier à Srebrenica. Le général français Philippe Morillon, arrivé sur les lieux, a alors promis que Srebrenica sera une « zone protégée par l’ONU ».
Le Conseil de sécurité de l’ONU a ratifié cette promesse et a installé des Casques bleus (d’abord canadiens, ensuite hollandais) mais les bombardements ont repris, provoquant un certain nombre de victimes. Le ravitaillement en vivres pour les habitants et nombreux réfugiés était mal assuré (bloqué par les forces serbes) ce qui a obligé les Bosniaques à trouver du ravitaillement ailleurs, ce qui a provoqué des incidents avec des villageois Bosno-serbe.
En mai 1995, les dirigeants des USA, du Royaume-Uni et de la France ont alors décidé en secret de ne plus protéger la « zone de sécurité » afin d’obtenir un accorde paix de la part de Milosevic. C’est ainsi qu’en juin 1995, malgré les informations concernant les préparatifs des forces serbes, l e Conseil de sécurité de l’ONU décida de ne pas renforcer le contingent des 600 soldats hollandais.
Le 6 juillet, la première offensive serbe fut repoussée par les défenseurs bosniaques, malgré le fait que ceux-ci étaient peu armés, ayant du donner leurs armes à l’ONU en échange de leur protection. Le commandant hollandais leur a alors donné l’ordre de se retirer pour laisser l’OTAN bombarder les positions serbes, ce qui s’est révélé une trahison, car il n’y a pas eu d’intervention de l’Otan (réduit à un survol par deux appareils). Cela a ainsi permis aux forces serbes d’avancer et d’entrer à Srebrenica le 11 juillet 1995, où il ne restait que quelques vieillards.
Juste avant l’arrivée des forces serbes, le Maire de Srebrenica a ordonné aux femmes avec leurs enfants et aux seniors de descendre à la base des Casques bleus de Potocari, et aux hommes de se rassembler dans le village de montagne de Sunsjari.
Seule une partie des femmes et seniors ont pu entrer dans la base de l’ONU, la majorité est restée dehors. Le jour suivant, plus de 1600 hommes et adolescents ont été arrachés à leurs familles et exécutés. Des cars ont emportés les femmes, enfants et seniors jusqu’à la ligne de front de Kladanj. Mais plus d’une centaine de femmes ont été violées et sont portées disparues.
Le soir du 11 juillet de Susnjari , une colonne de 14.000 hommes est partie en direction de Nezuk , village sur le front bosniaque à 80 km au nord, en traversant de nuit la « zone de sécurité » et une région occupée contrôlée par les forces serbes. Le 12 juillet, les hommes de la colonne, qui se reposaient de jour en forêt sur le mont Buljim, après cette difficile première étape, ont été mitraillés par une unité serbe avant de subir un bombardement par l’artillerie postée sur la route en contrebas. Il y a eu des milliers de morts et de blessés, qui faute de soins adéquats, sont souvent décédés les jours suivants.
Par contre, les 4000 hommes en tête de la colonne, ont échappé à ce massacre, étant partis avant. Ils ont pu rejoindre le mont Udric et sont arrivés à Nezuk le 16 juillet, après une ultime bataille.
Les survivants du massacre du 12 juillet ont été dispersés en petits groupes. Plus d’in millier se sont rendus aux forces serbes, croyant être épargnés. Mais ils ont été exécutés en masse avec des milliers d’hommes capturés après avoir inhalé du gaz hallucinogène BZ (effets similaires au LSD). Les USA ont par la suite interdit cette arme biologique.
Au cours des semaines et mois suivants, 2000 hommes ont réussit à traverser la ligne de front après avoir été traqués comme des bêtes par les forces serbes.
Reconnaissance du génocide par le TPIY (Tribunal Pénal International sur l’ex-Yougoslavie)
Plusieurs experts ont mené une enquête sur le terrain, complétée par un certain nombre de témoignages de rescapés, auditionnés à La Haye. Ce sont ainsi plusieurs massacres commis sur les hommes de la colonne, ainsi que le massacre des hommes capturés à Potocari, qui ont été reconnus comme « génocide de Srebrenica » avec 8372 victimes recensées.
Un peu plus de 6000 corps ont été identifiés par ADN après leur extraction de charniers primaires et secondaires et sont enterrées lors de la cérémonie du 11 juillet au Mémorial de Potocari.
Pour l’ensemble de la Bosnie-Herzégovine, d’avril 1992 à décembre 1995 : 100.000 victimes du dit « nettoyage ethnique » ont été recensées. Outre d’innombrables blessés, il y a eu 2 millions de réfugié-e-s. Qu’une minorité est revenu, car malgré la reconnaissance du génocide par le TPIY et la CIJ, les Accords de Dayton de décembre 1995 ont donné toute la région de Srebreniva (avant 1992 peuplée au ¾ de Bosniaques) à la « République serbe » (RS) qui occupe le 49% du territoire de la Bosnie-Herzégovine.
C’est là une grave injustice car la RS est co-responsable du génocide. Si la RS parvient à faire sécession et à se rattacher à la Serbie, les survivants du génocide seraient alors les premières victimes.
Le courageux retour des survivants du génocide dans leur région occupée :
Les survivants qui sont retournés depuis l’an 2000, ont reconstruit leurs maisons et relancé leurs cultures. Ils nous reçoivent chaleureusement dans leurs Chambres d’hôtes aménagées grâce à l’appui d’Emmaus-France.
Ils résistent pacifiquement à cette occupation et ont ouverts depuis 2014 leur propre école à Nova Kasaba pour ne pas être soumis au programme scolaire de la RS.
Ils sont rattachés au programme scolaire du Canton de Sarajevo, qui fournit aussi les enseignant-e-s. Les 130 élèves passent leurs examens à Sarajevo. Malheureusement peu d’entre-eux ont un avenir assuré dans cette région où les Bosniaques sont en général exclus de la fonction publique et de la plupart des entreprises Bosno-serbes.
Néanmoins il y a quelques exceptions : par exemple le personnel de la Mairie de Srebrenica est mixte, comme au Centre commercial de Srebrenica et il n’y a qu’une équipe de football.
Milorad Dodik (patron de la RS) lèse les travailleurs des deux communautés en bloquant depuis 2013 les travaux de reconstruction des Bains thermaux médicinaux de Srebrenica.
La Marche pour la Paix 8-10 juillet :
Depuis juillet 2005 existe la Marche pour la Paix entre Nezuk et Srebrenica, avec entre 4000 et 7000 participant-e-s de toute la Bosnie-Herzégovine, de la diaspora et de marcheurs de divers pays, dont notre groupe SIBH franco-suisse, qui a réunit depuis 2005 plus de 500 marcheurs.
Cette Marche a plusieurs buts ::
- le travail de mémoire avec les survivants du génocide,
- La solidarité avec ceux et celles qui habitent au long de ces 80 km,
- La réflexion sur l’avenir du pays et en particulier de cette région,
- La lutte contre la négation du génocide.
Le déni du génocide de Srebrenica enjeu de la préparation d’une nouvelle guerre :
La majorité de la population de Bosnie-Herzégovine, y compris en Republika Srpska, ne souhaite pas la reprise d’une guerre, mais les dirigeants nationalistes serbes et croates poursuivent leur plan de destruction de la Bosnie-Herzégovine avec le soutien de gouvernements alliés (Hongrie, Russie) en
attendant la montée de gouvernements d’extrême-droite islamophobe pour lancer leur sécession.
Sachant qu’ils ne peuvent pas tellement compter sur l’ancienne génération, ils misent sur l’endoctrinement et l’embrigadement de la nouvelle génération, supprimant dans leurs livres scolaires, l’histoire et la culture de Bosnie-Herzégovine, remplacée par l’histoire et la culture de la Serbie. Et du côté Bosno-croate par l’histoire et la culture de la Croatie.
La propagande serbe nie l’histoire millénaire de la Bosnie-Herzégovine et proclame dans une inversion de la réalité que «le peuple serbe est victime ». En 2010, une Commission de la RS a reconnu qu’un massacre a été commis par les forces serbes, mais cette reconnaissance, sans utilisation du terme génocide, a été effacée récemment avec la complicité d’une commission internationale composée notamment de professeurs israéliens d’extrême-droite.
Comment contrer la version fallacieuse d’un massacre ou génocide en ville de Srebrenica ?
Pour lutter efficacement contre la propagande serbe et le déni du génocide de Srebrenica, nous devons aussi intervenir auprès des médias qui continuent de diffuser la version d’un massacre (ou génocide) qui aurait eu lieu en quelques heures après l’arrivée des forces serbes à Srebrenica.
En 2019, nous avons été très surpris de constater que des jeunes bosniaques de la diaspora adoptent cette version dominante dans les médias. La cause principale de cette méconnaissance est sans doute la disparition de l’Association des survivants de Srebrenica qui a existé entre 2000 et 2010.
Les survivants du génocide en Suisse sont maintenant isolés et divisés, alors qu’entre 2000 et 2008, il y avait des activités communes, dont 5 marches Srebrenica entre Yverdon et Berne et Croy-Genève (2000-2004) pour faire connaître l’histoire de la colonne des hommes partis de Srebrenica le 11 juillet 1995 en direction de Nezuk et dont seule une minorité a survécu.
Bienvenue à la Marche pour la Paix !
En octobre 2004, cette marche en Suisse a été transférée lors d’une rencontre avec les autorités de Srebrenica, sur le trajet de la tête de la colonne de juillet 1995, symboliquement dans le sens du retour, de Nezuk à Potocari/Srebrenica : 80 km en trois jours de marche en compagnie des survivants du génocide, dont une partie vit au long du Chemin de paix, doté de Chambres d’hôtes et qui peut être parcouru entre avril et octobre. Nous y allons en petits groupes en mai et en septembre.
La Marche pour la Paix a lieu chaque année du 8 au 10 juillet et constitue le meilleur moyen de connaître ce qui s’est passé en juillet 1995 et plus en général l’agression menée par Milosevic et les forces serbes contre la République de Bosnie-Herzégovine entre avril 1992 et fin décembre 1995.