Dossier Commémoration du Génocide de Srebrenica

  1. La résistance aux forces nationalistes serbes (1992-1995) :

 

Sous égide européenne,  l’indépendance de la Bosnie-Herzégovine a été votée le 1er mars 1992 à une large majorité. Les nationalistes serbes qui le 9 janvier 1992, ont proclamé leur « République serbe » sur un quart du territoire de la Bosnie-Herzégovine,  ont boycotté le vote. L’indépendance de la Bosnie-Herzégovine a été reconnue au niveau international,  à l’exception de pays pro-serbes comme la Russie.

Le 6 avril 1992, journée de proclamation de l’indépendance de la Bosnie-Herzégovine, la Serbie de Milosevic a déclenché son offensive, assiégeant plusieurs villes, dont Sarajevo, durant plus de 3 ans.

En avril 1992, la République de Bosnie-Herzégovine ne disposait pas encore d’une armée pour  défendre sa population et son territoire face à  l’offensive des forces serbes et a été soumis à un embargo sur les armes décrété à l’ONU (reconnu après-guerre comme illégal).

Les forces serbes se sont alors rapidement emparées  du 2/3 de la Bosnie-Herzégovine, appliquant leur plan de « nettoyage ethnique » par le massacre de 15 à 90 % des hommes des villes et des villages occupés, avec aussi torture, viol de femmes, pillage det destruction des maisons et de mosquées.

Entre avril 1993 et mars 1994, les forces croates ont appliqué des méthodes similaires pour imposer leur occupation en Herzégovine. Et détruisant notamment le vieux pont ottoman de Mostar.

Plus de 100’000 morts, en grande majorité des civils bosniaques, ont été recensés, dont 30% à l’est du pays.

Avant la création de l’Armée de Bosnie-Herzégovine fin mai  1992, ce sont des habitants de diverses régions qui ont initié la résistance, dont à l’est ceux  les villages de Cerska, Konjevic Polje et vallée de Pobudje qui,  après une année de résistance se sont réfugiés à Srebrenica en mars 1993, seule ville libérée des forces serbes en mai 1992.

En avril 1993, la municipalité de Srebrenica  a été déclarée « zone de sécurité » par l’ONU ». Un contingent de Casques bleus  y était  positionné. Mais les bombardements serbes se sont poursuivis.

L’aide humanitaire internationale ne pouvait pas compenser le manque de prise de position des gouvernements, qui n’ont pas soutenu la plainte déposée auprès  de la Cour Internationale de Justice (CIJ) en juin 1993 par la République de Bosnie-Herzégovine contre la Serbie de Milosevic pour « agression et génocide ».  La population de nos pays est également restée largement indifférente, probablement du fait que la majorité des Bosniaques sont musulmans.

 

  1. Le génocide de Srebrenica, juillet 1995 :

 

En mai 1995 (selon un rapport américain  déclassifié) les dirigeants des USA, Grande-Bretagne et France ont décidé en secret d’abandonner la défense de la « zone de sécurité » afin de pouvoir conclure un accord de paix avec Milosevic, donnant toute cette région, largement peuplée de Bosniaques, à la « République serbe », en n’ignorant pas un risque de massacre, comme deèuis avril 1992 lors de la prise de villes et de villages par les forces serbes, qui procédaient aux massacres des hommes dans leur procédure de « nettoyage ethnique ».

 

Sous le terme de « Génocide de Srebrenica », le TPIY a reconnu plusieurs massacres et exécutions de masse commis entre le 12 et le 16 juillet 1995 dans les communes voisines de Srebrenica, de Bratunac et de Zvornik et incluant aussi les 2000 hommes capturés le 12 juillet à la base des Casques bleus de Potocari et exécutés.

 

Il  n’y a pas eu de « massacre  commis à Srebrenica le 11 juillet 1995 » car toute la population a quitté Srebrenica avant l’arrivée des forces serbes :

14’000 hommes sont montés au village de Sunsjari, d’où ils sont partis en colonne de nuit en direction de Nezuk à 80 km au nord, à travers un territoire bosniaque conquis et occupé par les forces serbes.

Seule moins de 6000 de ces homes ont survécu au génocide, dont environ 4000 hommes en tête de la colonne, qui sont parvenus à franchir les lignes serbes pour arriver à Nezuk le 16 juillet.

Et environ 2000 hommes, divisés en petits groupes après leur dispersion par le bombardement du 12 juillet sur le mont Buljim, ont réussit à franchir la ligne de front des semaines ou mois plus tard.

 

 

Les principales victimes du génocide sont donc parmi les 10’000 hommes civils,  sans arme, qui se reposaient sur le mont Buljim après leur difficile trajet dans la nuit du 11 au 12 juillet. Après le bombardement qui a causé plus d’un millier de victimes, ils ont subit plusieurs massacres successifs et ceux qui s’étaient rendu ou ont été capturés par les forces serbes, ont subit des exécutions de masse, notamment dans le hangar agricole de Kravica. La capture d’une partie de ces hommes a été facilitée par l’utilisation du gaz hallucinogène BZ (invention américaine) fabriqué en Serbie.

 

D’autre part, les femmes, enfants et seniors se sont réfugiés le 11 juillet à la base des Casques bleus de Potocari, où seule une minorité a pu entrer. Les 12 et 13 juillet, cette population a été  extradée vers la ligne de front de Kladanj, passée à pied. Mais plus d’une centaine de femme et adolescents ont été exécutés.

 

8372 hommes et adolescents ont été recensés par le TPIY (Tribunal Pénal International ex-Yougoslavie) comme victimes du génocide de Srebrenica. Il y a actuellement 7000 tombes au Mémorial de Potocari. Seuls 5700 hommes sur les 14’000 hommes au départ de Srebrenica le 11 juillet ont survécu : 3700 hommes en tête de la colonne parvenus à Nezuk le 16 juillet et environ 2000 hommes qui en petits groupes ont franchi la ligne de front au cours de semaines ou mois plus tard.  Néanmoins,  leurs témoignages consignés par le TPIY n’ont pas réussi à corriger l’image dominante dans les médias  d’un massacre qui aurait été « commis à Srebrenica le 11 juillet 1995 », reprise dans la Résolution de l’ONU de mai 2024, ce qui pose problème.

En outre, la Résolution ne soulève pas la grave injustice des Accords de Dayton qui ont donné toute la région de Srebrenica à l’Entité qui a commis le génocide.

 

  1. Situation actuelle en Bosnie-Herzégovine :

 

Les Accords de Dayton (décembre 1995) ont mis fin à la guerre et maintenus les frontières de la Bosnie-Herzégovine, mais ont partagé le pays en deux Entités : la Fédération de Bosnie-Herzégovine (une majorité de Bosniaques et une minorité de Bosno-croates) sur 51 % du territoire et la République serbe sur 49%, incluant des régions où revivent des minorités bosniaque (Kozarac  vers Prijedor et région entre Nezuk, Glogova et Srebrenica).

Une importante aide internationale a permis la reconstruction des infrastructures et des principaux bâtiments détruits, ainsi que le déminage.

La Cour Internationale de Justice(CIJ) ) a subit depuis 1993 des pressions politiques pour  rejeter  la plainte de la République de Bosnie-Herzégovine, déposée en juin 1993 contre la Serbie de Milosevic pour « agression et génocide ». Le procès a été reporté en février 1997. Malgré des preuves évidentes, la CIJ  s’est limitée à blâmer la Serbie « pour n’avoir pas empêché le génocide de Srebrenica », que la CIJ a reconnu..

 

Cette non-condamnation de la Serbie et de la Republika Srpska (à l’exception de condamnations individuelles par le TPIY) permet ainsi aux nationalistes serbes de poursuivre leur plan de démantèlement de la Bosnie-Herzégovine et de proclamer que c’est « le peuple serbe » qui est victime » afin d’endoctriner et embrigader les jeunes  en vue d’une reprise du conflit, ce qui les empêchent de reconnaître leur agression et le  génocide de Srebrenica.  Mais beaucoup de citoyens de Serbie et de la République serbe ne veulent pas être entrainés dans une nouvelle guerre.  Il est significatif que lors de la venue de Milorad Dodik à Srebrenica le 23 mai 2024 (Jour du vote à l’ONU) seule une vingtaine de Bosno-serbes sont venus le saluer.

Les dirigeants nationalistes serbes savent qu’ils peuvent comptent sur l’appui de Poutine et de l’extrême-droite islamophobe américaine et européenne et  veulent obtenir de nouvelles concessions de l’UE pour de lucratives exploitation de mines de lithium en Serbie et notamment dans la région de Srebrenica.

 

  1. La Marche pour la Paix du 8 au 10 juillet, de Nezuk au Mémorial de Potocari:   

 

La première Marche a eu lieu en 1996 entre Emmen et Berne avec des survivants du génocide et ensuite de 2000 à 2004 dans le cadre de l’Association des survivants, par des marches en 3 jours d’Yverdon à Berne et de Romainôtier à Genève, avant de transférer cette Marche sur le trajet de juillet 1995 par une rencontre avec les autorités de Srebrenica en octobre 2004, en conseillant d’organiser la Marche dans le sens du retour.

 

La Marche pour la Paix  est organisée au plus près du trajet de la colonne des 14’000 hommes partis de Srebrenica le 11 juillet 1995 en direction de Nezuk, symboliquement dans le sens du retour, ce qui se réalise chaque année depuis 2005 sur 80 km en trois jours de Nezuk à Srebrenica, du 8 au 10 juillet, avec entre 4000 à 8000 marcheurs du pays, de la diaspora et de groupes de divers pays, avec une logistique appropriée.

 

La Marche pour la Paix a plusieurs dimensions :

  • Un travail de mémoire par les témoignages des survivants sur les circonstances du génocide commis essentiellement contre les hommes de la colonne de 14’000 hommes partis à travers les montagnes des communes de Bratunac et de Zvornik, et dont seule une petite minorité est parvenue à Nezuk le 16 juillet 1995.

 

  • La solidarité avec les survivants du génocide, qui revivent depuis l’an 2000 sur leurs terres avec leurs familles, reconstruisant leurs maisons, relançant la culture de leurs champs et résistant pacifiquement à l’occupation de leur région par l’Entité « République serbe » (co-responsable avec la Serbie de Milosevic, du génocide de Srebrenica).

 

  • Un travail de prévention face au risque de reprise du conflit et pour valoriser le vivre ensemble au-delà des différences. Des associations serbes, comme les « Femmes en noir » participent aussi à cette lutte.

 

Les habitants et quelques ONG organisent des points de ravitaillement en boissons et vivres.  L’ambiance est chaleureuse. La majorité des marcheurs dorment sous tente.

Notre groupe franco-suisse loge chez les habitants survivants du génocide, dont les chambres d’hôte ont été équipées  par des communautés d’Emmaus-France au long de ce trajet (reconnu comme GR) pour recevoir des groupes de marcheurs entre avril et octobre).

Mais il est difficile de trouver des associations  de randonneurs sur ce trajet en grande partie boisé. Notre association Solidarité Bosnie a donc organisé des marches en étapes courtes  pour les seniors, en mai et septembre, suivies de la visite de Sarajevo et de Mostar.

 

Depuis 2018, nos partenaires Emmaus-France ont réalisé un sentier de 7 km, sur l’indication des guides qui dans la nuit du 11 au 12 juillet 1995 ont conduit les 14’000 hommes à travers les forêts pentues du mont Buljim, en évitant  les soldats et mines serbes.  C’était un passage extrêmement difficile, même pour nous aujourd’hui.  En juillet dernier, un des survivants du génocide y est décédé d’une crise cardiaque.

 

  1. L’expérience fédéraliste suisse peut-elle inspirer une alternative en Bosnie-Herzégovine ?

Face au blocage institutionnel et politique en Bosnie-Herzégovine, il est important de promouvoir un fédéralisme inspiré du modèle Suisse, basé sur la citoyenneté et à une gestion depuis le niveau communal, cantonal et national.  Mais les pays ex-communistes ont gardé une version de fédéralisme stalinien, vertical  et ethnique, ce qui induit une confusion qui fait maintenant  le jeu des nationalistes.

Malgré de nombreux points communs entre nos deux pays, le modèle suisse a donc peu de chance de   contribuer à dépasser les clivages ethniques qui  freinent et bloquent le développement de ce pays.

Les Accords de Dayton ont imposé une Présidence à trois membres axée sur l’ethnicité, au lieu de maintenir, comme c’était le cas en République de Bosnie-Herzégovine, une Présidence à  7 membres,  ce qui favoriserait, comme en Suisse, une représentativité de leurs régions par tournus  et non pas de leurs intérêts ethniques.

 

  1. Documentation sur la Bosnie-Herzégovine et le génocide de Srebrenica :

Notre association dispose d’une vaste documentation sur l’histoire de ce pays et évènements récents, à disposition d’élèves, collégiens, étudiants, chercheurs. Notre bibliothèque contient plus de 200 livres en prêt, et le « Courrier des Balkans ».Nous pouvons vous conseiller pour des voyages d’étude ou de découverte en Bosnie-Herzégovine et contacts avec des survivants du génocide.

Voir notre site : www.solidarite-bosnie.ch

 

  1. Témoignage de Muhizin Omerovic sur sa survie en juillet 1995:

 

La Marche pour la Paix passe à Pobudje devant la maison de Muhizin OMEROVIC (DjilE), qui parle français et nous raconte sa fuite de Srebrenica du11 juillet jusqu’au 11 septembre 1995.

 

 

« Je suis parti de Srebrenica le 11 juillet au soir avec 14 000 hommes et quelques femmes. Mais en marchant en file indienne pour éviter les mines, on a perdu beaucoup de temps. Les premiers sont partis le 11 juillet à minuit, et les derniers aux environs de midi. Par erreur, nous avons cru qu’on allait être attaqués en tête de colonne et pas à l’arrière. 2 000 hommes armés sont ainsi partis en tête pour éviter les embuscades et se battre.

Les Serbes ont  vite compris que 14 000 personnes s’étaient enfuies de Srebrenica. On a entendu ça sur une petite radio qu’avait un de nos compagnons de marche. Les forces serbes nous ont donc pris en tenaille après que les 2 000 hommes armés, sur les 4000 hommes en tête de la colonne, sont  partis en avant. Nous avons perdu un temps précieux pour repartir. Une unité des forces serbes a surpris les hommes en repos dans une forêt dans les hauts de Pobudje. En moins de 10 minutes, ils ont tués pas moins de 1000 personnes. Ce fut tout de suite la panique avec des gens qui courraient dans tous les sens pour s’enfuir.

Dans un deuxième temps, l’artillerie serbe a bombardé la zone ; et certains obus contenaient un produit (identifié plus tard comme arme BZ, avec effet LSD).  Assez vite, j’ai ressenti une grande soif, et j’ai senti une odeur particulière. Je ne me souviens plus de rien. Un copain m’a dit que j’étais devenu comme fou. Je lui ai dit de me prendre de l’eau et il m’a dit que je l’ai forcé à boire aussi. Je suis resté aveugle pendant plusieurs heures. Je n’ai récupéré la vue qu’au bout de trois jours.

Plus loin, j’ai vu qu’il y avait 700 personnes environ sur une colline et je me suis dirigé vers eux. J’ai alors compris qu’on était cerné par les Serbes, qui ont  lancé des appels au mégaphone pour nous convaincre de nous rendre, en nous expliquant que l’on serait traité comme des prisonniers de guerre. Heureusement, je ne les ai jamais cru. Il y avait autour de moi des hommes qui étaient devenus fous et qui étaient prêts à se rendre pour que leur calvaire s’arrête.

Pour ma part, j’avais repris conscience et je savais qu’il ne fallait pas que je me rende. Après quelque temps, j’ai reconnu un de mes voisins avec d’autres. Je voulais passer à travers les lignes serbes et deux voisins sont venus avec moi et mon vieux professeur de philosophie qui  était très courageux. On a rampé à travers les lignes serbes, tout doucement. Un homme nous a dit qu’il était impossible de passer tellement il y avait de Serbes alentour. Mais le vieux professeur et moi avons décidé de passer quand même et d’aller vers la forêt. Mais dans un virage du chemin, mon vieux professeur se jeta en contrebas dans le ruisseau et je l’ai vu s’enfuir. Quand je me suis retourné, j’ai vu cinq Tchetniks qui m’ont tiré dessus. Je me suis échappé en me cachant dans les fougères.

Plutôt que de me poursuivre, ils ont lancé une grenade et ont décidé de nous attraper plus bas. J’ai alors attendu qu’ils descendent, et je suis reparti en montant. Plus haut, j’ai rencontré d’autres hommes que j’ai  reconnu. A un moment, quelqu’un a sifflé, et on a vu un groupe de dix hommes qu’on a pris pour des Tchetniks. Mais j’ai vu  qu’un des soldats avait l’uniforme bosniaque. J’ai alors demandé : « Est-ce que vous êtes Bosniaques ? » Ils ont répondu : « Oui ». On s’est donc retrouvé à une douzaine d’hommes, avec la consigne que si l’un d’entre nous était blessé, on le tuerait pour ne pas qu’il tombe entre les mains des Tchetniks, du fait qu’on ne pouvait pas le porter [et que nous savions quel sort l’attendait].

Plus loin on a vu un enfant de 13 ans avec un fusil suivi de deux grands gaillards sans armes. Je leur ai  demandé pourquoi c’était l’enfant qui tenait le fusil Ils m’ont répondu qu’il n’a pas voulu se défaire de cette arme que son frère a utilisé contre les Tchetniks jusqu’à ce qu’il n’a plus de balles dans son fusil, Il s’est alors fait exploser avec une grenade devant lui. Il est resté traumatisé par cet événement, et ne veut plus lâcher son fusil.

A13 ans c’était déjà un homme, beaucoup plus courageux que certains de ses aînés.

Avant la guerre, j’avais une copine qui était serbe avec laquelle j’aurais pu me marier. Je continue à m’interroger : « Est-ce qu’on ne s’est pas assez expliqué ? ».

Bien que je sois resté 72 jours dans la forêt, je suis parti avec plein de livres pour avoir une petite  fenêtre sur le monde. Un jour à Kravica, j’ai écris : « Ne brûlez pas les livres ». Pourtant, un soldat bosniaque saoul a brûlé la  bibliothèque. Je n’ai pu sauver qu’une machine à écrire et deux livres.

J’aime bien entendre le bruit du tonnerre, car pendant plusieurs mois, on n’a pas eu de pluie. C’est différent du bruit des grenades [obus de mortiers, canons, et chars]. Pendant plusieurs jours, on a reçu des centaines de grenades autour de la maison.

C’est à cause de l’une d’elles que j’ai vu mon père mourir : c’est moi qui lui ai fermé les yeux et qui l’ai enterré pendant la nuit. J’ai été très fort : je n’ai pas pleuré, j’avais 19 ans]. C’était le 12 mars 1993 que mon père a été tué et mon frère a été blessé.

Ma mère a été très courageuse. Je les ai retrouvé cinq jours après à Srebrenica, où mon frère a été hospitalisé. Sa première question a été : « Est-ce que tu as brûlé la maison ? ». Je lui ai alors répondu : « Mais non». Il m’a dit : « Tu aurais dû ! Il ne faut pas leur donner le plaisir de la brûler ! ».

Plus tard, j’ai eu des problèmes psychologiques : pendant six mois, je rêvais que les Tchetniks allaient déterrer mon père. Et dans ce rêve, mon père me demandait : « Pourquoi m’as-tu enterré ici, les Serbes m’ont déterré et m’ont découpé en petits morceaux ? ». C’est pourquoi un jour, je suis revenu à travers les champs minés pour voir si mon père était toujours enterré au même endroit. Depuis le jour où je m’en suis assuré, mes problèmes psychologiques ont disparu, et je n’ai plus jamais fait ces cauchemars.

En revenant de Pobudje, des soldats hollandais m’ont confisqué le fusil de mon oncle. Le 10 juillet 1995, j’ai demandé à M. Karemens, commandant en chef du Dutchbat 3 (censé défendre la dite « zone de sécurité » de l’ONU) de me rendre mon fusil. Il m’a alors répondu qu’il ne pouvait  pas le rendre sans l’aval de Naser Oric, commandant militaire de Srebrenica (qui a libéré Srebrenica en mai 1992). Les Hollandais n’ont rien voulu savoir, alors que je leur ai dit que je voulais simplement me défendre ! C’est pour cela que je suis parti avec seulement un pistolet. »

 

Après avoir passé le mont Udric et approché la ligne de front serbe vers Nezuk, Muhizin Omerovic a constaté qu’il était impossible de passer par là vu le nombre important de forces serbes. Il est donc retourné avec un petit groupe dans les hauteurs de Srebrenica, où ils devaient changer d’emplacement tous les trois jours à cause de patrouilles serbes avec des chiens.

 

Ils ont trouvé un peu de ravitaillement dans des maisons abandonnées et même une carte de la région et une boussole, ce qui leur a permis en septembre de partir en direction de Kladanj. Après moult péripéties et frôlé la mort à plusieurs reprises, traqués comme des bêtes, ils arriveront enfin à franchir la ligne de front serbe le 11 septembre 1995, deux mois après la chute de Srebrenica.

 

 

Avant 1992, les Bosniaques étaient la population majoritaire dans toute la région de Srebrenica  à 75 %. Ils sont aujourd’hui minoritaires.

Réfugié dans le Canton de Vaud, Muhizin Omerovic y est retourné en septembre 2005 pour reconstrruire leur maison familiale et relancer ses cultures. Il travaille depuis 2006 à la Mairie de Srebrenica et a été durant une dizaine d’années le principal organisateur de la Marche pour la Paix.

 

 

 

  1. Problématique de la Résolution de l’ONU du 23 mai 2024 :

Cette Résolution a été lancée par l’Allemagne et le Rwanda dans un contexte de risque d’extension du conflit entre Russie et Occident dans les Balkans et plus particulièrement en Bosnie-Herzégovine. Mais les compromis diplomatiques ont exclu la désignation du gouvernement serbe de Milosevic et de la République serbe de Bosnie en tant qu’agresseurs et responsables du génocide, avec plus de 100’000 victimes du « nettoyage ethnique » entre avril 1992 et décembre 1995.

Il y a aussi une responsabilité du gouvernement croate de Tudjman entre avril 1993 et mars 1994 dans des massacres de civils bosniaques en Herzégovine, avec aussi destruction de monuments ottomans, dont le plus connu est le vieux pont de Mostar, reconstruit après la guerre.

 

 

30 ans après, le texte de la Résolution mentionne, sans preuve à l’appui, «un massacre commis à Srebrenica le 11 juillet 1995».

Cette version écarte l’histoire à la fois héroïque et tragique de la colonne des 14’000 hommes des 14’000 hommes partis le 11 juillet en direction de Nezuk, confirmée le 16 juillet par les survivants du génocide et ensuite par les enquêteurs de l’ONU et du TPIY, qui indiquent que toute la population de Srebrenica a quitté la ville le 11 juillet et que les massacres et exécutions en masse,  reconnus en tant que « Génocide de Srebrenica », ont eu lieu entre le 12 et le 16 juillet 1995 sur le sol des communes de Bratunac et de Zvornik, voisines de la Commune de Srebrenica. Pourquoi cette réalité n’a pas été prise en considération dans la Résolution de l’ONU ?

Le  11 juillet marque le traumatisme de la population face à la prise de Srebrenica par les forces serbes et cette date est devenue  le symbole du génocide commis en Bosnie-Herzégovine de 1992 à 1995 et non seulement dans la région de Srebrenica.

Depuis son ouverture en 2000, le Mémorial de Potocari accueille chaque 11 juillet des dizaines de milliers de personnes venues de tout le pays et de la diaspora, pour assister à la cérémonie et aux enterrements des victimes retrouvées dans des charniers primaires et secondaires et identifiées par ADN, grâce à une aide internationale.

Il y a actuellement 7000 tombes sur les 8372 victimes recensées par le TPIY.

 

La reconnaissance du génocide de Srebrenica par l’ONU permettra de développer une réflexion sur les crimes commis en Bosnie-Herzégovine et dans la région de Srebrenica, mais aussi concernant la prévention de risques dans le contexte actuel de crimes de guerre et de génocides dans le monde, en se référant aux « Conventions de Genève » et à la « Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide », adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU du 9 décembre 1948.

 

  1. Projet de commémoration du génocide de Srebrenica dans les cantons :

 

La Suisse ayant signé la Résolution de l’ONU, elle demande aux cantons d’assurer la Commémoration dès 2025, nous proposons donc aux cantons romands de collaborer avec eux et avec l’ensemble des associations bosniaques de notre pays, à la réalisation de cet évènement.

Outre le rassemblement organisé à Genève sur la Place des Nations et autour de la pierre Kamen Spavac en mémoire du génocide par les associations de la diaspora bosniaque, nous proposons  des moments de réflexion avec les élèves, collégiens et étudiants, pour les informer sur ce qui s’est passé en Bosnie-Herzégovine et notamment dans la région de Srebrenica entre 1992 et 1995, en mettant en valeur le témoignage des survivants du génocide.

La réflexion pourra aborder la question de la prévention des crimes de guerre et génocide en cours dans le monde, en se référant aux Conventions de Genève et à  la Convention sur la prévention et la répression du crime de génocide, adopté par l’Assemblée générale de l’ONU du 9 décembre 1948.

Nous sommes à votre disposition pour tout renseignement complémentaire.

 

Outre les témoignages des survivants du génocide, nos références sont les Rapports du Tribunal Pénal International sur l’ex-Yougoslavie (TPIY), le Rapport de l’ONU de décembre 1999 sur la chute de Srebrenica, le rapport de la Mission d’information sur les évènements de Srebrenica de l’Assemblée nationale française, de la plainte déposée en juin 1993 par la République de Bosnie-Herzégovine contre la Serbie de Milosevic pour agression et génocide auprès de la Cour Internationale de Justice, l’analyse de Philippe Koulischer sur « les responsabilités de la communauté internationale dans l’écrasement des musulmans bosniaques et de la Bosnie-Herzégovine ».

Notre bibliothèque de 200 livres est à votre disposition, avec nt. le livre de Roy Gutman sur les crimes de guerre dans la région de Prijedor. Et le livre de Sylvie Matton sur le génocide de Srebrenica.